Beaujolais et Bordeaux sont aussi disparates que peuvent l’être deux régions viticoles françaises, faisant l’objet de stéréotypes tenaces. Le beaujolais est léger et fruité, le bordeaux puissant et tannique. Il semble peu probable qu’un amateur de bordeaux puisse jamais aimer le beaujolais. Et pourtant…
La voix singulière du gamay
Beaujolais est une région ensoleillée et tempérée située au sud de la Bourgogne. Ses sols de granit sont presque entièrement consacrés au gamay noir, le seul cépage rouge de la région. Ses vins présentent des arômes évocateurs de fruits noirs et de fleurs, une acidité vive et des tanins modérés.
Le gamay a longtemps été méprisé. À l’époque médiévale, la peste noire décime la main-d’œuvre bourguignonne, de grandes parties du vignoble sont plantées avec du gamay, un cépage plus facile à cultiver et productif que le pinot noir. La surproduction donne des vins minces et amers, amenant le duc de Bourgogne à bannir de ses terres ce raisin « mauvais et déloyal ».
Plus récemment, la popularité du beaujolais nouveau fraîchement fermenté a profité à la région, avant de chuter de façon spectaculaire lorsqu’on s’est lassé de ses arômes artificiels et confits. Fort heureusement, les amateurs de beaujolais sont de retour. Une nouvelle génération de producteurs axés sur le terroir cultive des vignobles de gamay à faible rendement sur d’excellents sites et en vinifiant dans un souci de qualité supérieure.
L’histoire complexe des assemblages bordelais
À près de 400 kilomètres vers le sud-ouest, Bordeaux est une région au climat influencé par la mer et divisée en deux par l’estuaire de la Gironde. Sur la rive gauche, plate et caillouteuse, les meilleurs vins sont issus d’assemblages à base de cabernet sauvignon. Sur la rive droite, les sols argilocalcaires profonds favorisent les vins à dominante de merlot.
Bordeaux est vénérée depuis plusieurs siècles et ses vins brillent à l’étranger depuis le mariage d’Henri Plantagenêt avec Aliénor d’Aquitaine au XIIe siècle. Au XVIIe siècle, des ingénieurs néerlandais assèchent les marais et marécages du Médoc, révélant l’un des meilleurs terroirs de la région.
Bien que le Beaujolais produise d’agréables vins de chardonnay et que Bordeaux excelle dans les assemblages secs et doux de sémillon et de sauvignon blanc, leurs vins rouges volent la vedette. Dans la région de Bordeaux, la vinification est très traditionnelle, axée sur des techniques d’extraction minutieuses et de longues périodes de macération afin d’exploiter leurs puissants tanins. Le long vieillissement dans des proportions variables de fûts de chêne français neufs et anciens est la norme.
Là où les deux se ressemblent
Le Beaujolais n’emploie peut-être pas les systèmes de classification formels propres aux crus de la rive gauche, aux crus bourgeois du Médoc ou classés de Saint-Émilion, mais son terroir se distingue tout autant. Dix appellations de cru sont employées dans les parties plus montagneuses du nord et du centre de la région. Les vins des régions comme Moulin-à-Vent, Morgon, Côte de Brouilly et Fleurie sont beaucoup plus corsés, tanniques et aptes au vieillissement que le beaujolais classique.
Inversement, les appellations régionales comme Bordeaux AOC ou Bordeaux Supérieur AOC peuvent être plus légères, plus douces et faciles à boire. C’est ici que les deux régions se rejoignent. Bien que leur caractère fruité et leur profil en bouche diffèrent, elles offrent des vins de tous les jours d’un excellent rapport qualité-prix et débordants de fraîcheur.
L’amateur de vin peut ensuite facilement gravir les échelons de qualité du Beaujolais et du Bordeaux. Un excellent beaujolais atteint généralement son apogée après dix ans, tandis qu’un grand bordeaux peut se garder vingt ans ou plus. Les amateurs de vin peuvent ainsi déguster leurs meilleurs beaujolais en attendant que les grands bordeaux se développent.
Recommandations de notre Cellier
Ce numéro de notre Cellier propose une multitude de délicieux vins du Beaujolais à découvrir. Le Château de Durette revient en force avec une belle gamme, dont les fantastiques Morgon et Moulin-à-Vent. Ne manquez pas leurs caisses de dégustation. Plaisir immédiat avec le Domaine Sancy Chénas, tandis que le Domaine Montangeron Fleurie est un joli choix parfumé.
Notre offre de bordeaux est si riche qu’il est difficile de savoir par où commencer! La Devine du Clos Cantenac, du grand cru Saint-Émilion, est l’un de nos coups de cœur, à l’unanimité. Les amateurs de bordeaux prêts à boire plus âgés devraient opter pour la caisse de dégustation du Château Moutin. Enfin, les collectionneurs ne seront pas déçus par les magnifiques pomerols du Château Séraphine.
par Jacky Blisson MW
Jacky Blisson MW est une éducatrice en vin indépendante, une écrivaine et une consultante qui possède plus de vingt ans d’expérience dans toutes les facettes du commerce mondial du vin. Première Québécoise à recevoir le titre Master of Wine, elle fait partie des 10 Masters of Wine du Canada.