Jerzy Niedojadlo savait qu’il avait un diamant brut entre les mains après avoir recensé son premier vignoble. Située à 80 km à l’est de Libourne, Pécharmant est une ville plus connue pour ses duellistes corpulents que pour ses beaux vins. Beauportail avait pourtant quelque chose d’unique à offrir. Jerzy a mis le doigt dessus lorsqu’il a découvert une couche d’argile bleue dans l’un des champs, de celle qu’on retrouve sur le plateau de Pomerol.
Jerzy n’était pas vigneron. Il n’était même pas français. Cet Ontarien d’origine a tissé un lien avec cette région de la Dordogne par l’entremise d’une entreprise de charbon de bois prospère acquise quelques années auparavant. (S’il y a un lien, il se trouve dans le logo chic et gracieux de l’entreprise, inspiré d’un dessin original au fusain de sa femme Pat, graphiste de talent.)
Pour surmonter le premier obstacle potentiel, il se tourne vers son neveu Stefan, qui produisait déjà d’honorables vins dans sa ville natale de Niagara. Il lui propose de passer au niveau supérieur et de venir en France, ce que Stefan accepte.
Pour surmonter son deuxième problème, il met de l’avant son identité canadienne, en choisissant d’utiliser du chêne blanc canadien en plus de fûts français traditionnels pour élever ses vins. Une idée aussi inhabituelle que géniale. Il constate aussi qu’il est relativement facile de faire face à l’impitoyable marché britannique ; le Quintessence de Beauportail 2019 obtient ainsi une médaille d’or au concours des vins de Londres en 2023.
Pécharmant a beau ne pas être très connue, l’appellation est fort bien située. À l’intérieur des terres, les risques de ravinement sont moins grands qu’à Bordeaux, et la plupart des vignobles en pente douce bénéficient d’une bonne exposition au soleil et d’un mouvement d’air régulier, qui les protègent des maladies et du risque de ratatinement des raisins.
Le cabernet franc et le cabernet sauvignon intenses sont la norme, comme le montre le Quintessence de Beauportail, un vin structuré produit par Jerzy. Le merlot a plus de place dans son Château Beauportail, dont la maturité et le caractère attrayant et mûr impressionnent. C’est ici que l’argile bleue entre en jeu. En retenant efficacement l’eau et en gardant les sols au frais en été, le merlot précoce (et d’autres cépages comme le côt) développe sa puissance tout en conservant son acidité dans le climat chaud de Pécharmant. Cela fait du Beauportail un vin de garde ; une bonne nouvelle, compte tenu des prix stratosphériques des meilleurs bordeaux.
Beauportail est une entreprise familiale minutieuse. Virginie, l’épouse de Stefan, est directrice des ventes, tandis que Pat s’occupe du marketing. La production est limitée à 5 000 caisses par année et sous ce charmant vernis canadien se cache un grand respect des traditions locales. Le choix d’utiliser la presse à panier pour extraire soigneusement les tanins profite au consommateur tout en préservant le patrimoine. Le choix d’intervenir le moins possible sur l’environnement naturel vise à préserver le statu quo pour les générations futures. Beauportail est une histoire de travail acharné, de passion honnête et d’une petite dose de chance. Chez Opimian, c’est exactement ce que nous appuyons.
par Michael Palij MW
Michael Palij MW est le troisième Master of Wine canadien. Il se spécialise dans les vins italiens et a fait connaître à Opimian des producteurs vraiment spéciaux.