Par Elizabeth Gabay MW
Le monde du rosé français est vaste, la Provence n’étant que la partie émergée de l’iceberg. Souvent considéré comme une catégorie à part, les nuances de rosé se déclinent en de multiples styles dans toute la France : sombre ou pâle, facile à boire ou complexe, sec ou fortifié, et ce, dans de nombreuses variétés régionales. La vinification moderne a permis d’améliorer la qualité pour garantir la fraîcheur et l’équilibre ainsi qu’une plus grande longévité.
Avant que le style provençal ne fasse fureur, les rosés d’Anjou avaient la cote et étaient même appréciés par nul autre que James Bond! Ces vins de climat frais présentent une superbe acidité et un fruité abondant grâce à leur maturation longue et lente. Le rosé de Loire (sec) est élaboré à partir de cépages tels que le gamay, le pinot noir, le cabernet franc et des variétés locales. Pour équilibrer l’acidité vibrante et rehausser le fruit, une petite quantité de sucre résiduel est traditionnellement utilisée dans le Rosé d’Anjou (sec) basé sur le cépage local grolleau et le cabernet d’Anjou (sec plus sucré), mettant en valeur les violettes et les baies rouges du cabernet franc ou les notes de fruits plus sombres du cabernet sauvignon.
La Provence, chaude, ensoleillée et sèche, produit des rosés élégamment secs, au fruit mûr et à l’acidité douce, qui se distinguent par leur extrême pâleur. Le rosé est actuellement à la mode et son association avec le « glamour » et le style de vie méditerranéen a contribué à son succès au cours des 20 dernières années. Ces vins à base de grenache sont assemblés avec du cinsault floral, du rolle frais (alias vermentino), de la syrah fruitée, du mourvèdre structurel ou du tibouren riche dans les rôles secondaires. Les principales appellations sont les Côtes de Provence, le Bandol plus corsé, le Luberon plus frais, les Coteaux d’Aix et les Coteaux Varois, ainsi que l’IGP régionale Méditerranée. Les meilleurs vins présentent une structure et une complexité accrues grâce à un séjour en barrique, en cuves ovoïdes de béton ou en amphore.
Le plus grand producteur de rosé en France est toutefois le Languedoc-Roussillon, véritable mosaïque d’appellations rosées, dont l’IGP régionale Pays d’Oc, les Côtes du Roussillon (près de l’Espagne) ou l’AOP Languedoc, ou encore des appellations très localisées, comme le cru rosé historique du Languedoc-Cabrières, plus proche du Rhône. Le Languedoc partage les variétés méditerranéennes de la Provence, souvent pour une fraction du prix, tandis que le Pays d’Oc se spécialise dans les monocépages tels que le petit verdot, la syrah ou le grenache, ou dans les assemblages atypiques.
En dehors de ces régions principales, la France abrite une richesse et une diversité incomparables de rosés, y compris l’appellation sœur de Châteauneuf-du-Pape, l’historique Tavel, avec son rose plus saturé, sa structure plus audacieuse et son potentiel de vieillissement; les rosés soyeux de pinot noir de Sancerre, le Marsannay bourguignon et le rare Rosé des Riceys en Champagne; les rosés pâles à base de cabernet et de merlot et les clairets plus foncés de Bordeaux; le Rasteau ambré fortifié et le Muscat-de-Beaumes-de-Venise rose pâle dans le Rhône et, bien sûr, les rosés pétillants de Champagne et les crémants régionaux.
Il y a vraiment un rosé pour chacun.
Elizabeth Gabay se spécialise dans les vins du sud de la France depuis le milieu des années 1980 et elle habite dans la région depuis 2002. Master of Wine depuis 1998, et depuis 2020, elle fait équipe avec son fils Ben Bernheim afin de développer la collaboration avec les producteurs, la vulgarisation vinicole et la rédaction d’articles sur les vins. Ensemble, ils ont publié plusieurs ouvrages sur le rosé, dont « Rosé, understanding the pink wine revolution » (2018) et « The Rosés of Southern France » (2022).