Le Sud-Ouest de la France : Terre d’opportunités

Par Igor Ryjenkov MW

 

Bien qu’il ne s’agisse pas tout à fait du « Far West » ou d’une « terra incognita », il reste beaucoup à explorer dans le Sud-Ouest de la France, une vaste étendue de terre entre Bordeaux et le Languedoc-Roussillon, de la frontière espagnole au Massif central. Région la moins peuplée de France (moins de 10 habitants par kilomètre carré), elle possède de belles plages de sable, une riche culture gastronomique (cassoulet, confits, foie gras, truffes, fruits de mer, jambon de Bayonne, saucisse de Toulouse), un monde viticole qui lui est propre et un rythme de vie tranquille.

 

Connue pour sa viticulture dès le 1er siècle avant J.-C., soit bien avant le Bordelais, ses vins « noirs » de la région de Cahors étaient réputés dans les cours royales de Russie et d’autres pays européens au Moyen Âge. Ces vins, dits du « Haut-Pays », ont fait du port de Bordeaux une puissance commerciale précoce; ils ont toutefois souffert de la réputation grandissante des vins de Bordeaux aux 13e et 14e siècles, alors que le port expédiait en priorité ses propres vins. La Gascogne, une partie du Sud-Ouest, est le berceau de d’Artagnan, l’un des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. C’est enfin ici que l’armagnac est fabriqué depuis plusieurs siècles.

Le terme qui définit le mieux les vins du Sud-Ouest est « éclectique » : il s’agit d’un groupe disparate de sous-régions ayant choisi leur propre voie d’expression, disséminées avec parcimonie dans ce vaste espace. Quelques cépages d’ici se sont taillés une place au niveau mondial, mais pas au niveau des cabernet ou des chardonnay. La majorité d’entre eux sont restés des vins locaux.

 

Les cépages de la région peuvent être divisés en deux groupes : le premier est une branche du bordelais, l’autre, plus éclectique, est fondé sur ses cultivars locaux et uniques. En remontant dans les terres le long de la Garonne et de la Dordogne, on retrouve dans le premier groupe des assemblages similaires à ceux situés plus en aval des rivières; Bergerac, Buzet et Pecharmant AOP pour les rouges, Monbazillac pour les vins doux de la vendange tardive. Cependant, ces raisins sont cultivés dans des conditions différentes – des sols différents, plus à l’intérieur des terres, au climat plus continental et au savoir-faire unique, de sorte qu’ils conservent leur expression propre. Plus on va vers le sud, plus on retrouve le deuxième groupe, aux cépages distinctifs.

L’un des cépages locaux les plus connus est le malbec. Reconnu comme un élément principal de l’assemblage des vins historiques de Cahors, il s’est fait remarquer au niveau international, en devenant le cépage  emblématique de l’Argentine.

Picturesque aerial view of Cahors town and Lot river, France

 

Bien que sa réputation soit plus modeste, le tannat, principal cépage de l’AOP Madiran, a également voyagé en Amérique du Sud pour devenir le pilier des marchés du vin de l’Uruguay et de la Bolivie. Au-delà de ces deux cépages, il y a de nombreux d’autres cultivars à découvrir dans ce coin de pays. Faisons connaissance avec quelques-uns d’entre eux.

 

La négrette est un raisin rouge niché au coeur de l’AOP Fronton, qui présente souvent un caractère floral et féral. Les gros et petit mansengs blancs, également très locaux, sont à l’origine des vins de l’AOC Jurançon, qui se distinguent par leurs arômes de goyave et de pépins de courge, tout en restant frais. Ils sont généralement demi-secs à doux, à moins qu’ils ne soient étiquetés « sec ». Le blanc L’En de l’El est une autre  pécialité locale, avec le raisin mauzac, que l’on trouve également à Limoux dans le sud et qui est à l’origine des vins blancs de l’AOP Gaillac. Le fer servadou, un cépage rouge partagé avec la région basque espagnole, entre dans la composition du Madiran et de quelques autres AOP. Ces cépages et d’autres encore méconnus se retrouvent dans plusieurs AOP à la sonorité encore moins familière – Marcillac, Bearn, Pacherenc de  Vic-Bihl et Irouleguy. Vous les rencontrez parfois sur une carte des vins ou dans les rayons d’un magasin de vins.

 

À l’opposé, on trouve l’ugni blanc, largement planté, également cultivé à Cognac, et connu sous le nom de trebbiano toscano en Italie, d’où il est originaire. Il est un raisin clé pour l’armagnac, ainsi qu’un composant majeur des Côtes de Gascogne IGP. Avec le colombard, il donne des vins blancs légers, frais, souvent peu alcoolisés (10,5 à 11 %), avec un fruité citrique vif et pleinement développé qui n’est pas sans rappeler un bon
sauvignon blanc.

 

En résumé, ceux qui recherchent de nouvelles expériences vinicoles, en particulier dans une France bien cartographiée, feraient bien de suivre la devise des premiers explorateurs de l’Amérique pour « aller vers l’ouest », ou plutôt vers le sud-ouest.

 

Établi à Toronto, Igor Ryjenkov MW a été le premier Canadien à obtenir le prestigieux titre de Master of Wine en 2003. Son expertise en matière de vin se fonde sur 24 années d’expérience au sein du domaine en  Ontario, d’abord à la vente au détail, puis à des postes clés en matière d’approvisionnement, et sur ses projets, notamment le développement de la nouvelle matrice à cinq points des styles de vin. Igor est l’un des Masters of Wine d’Opimian.