Le questionnaire Opimian : Giovanni Messina de Eudes

Giovanni Messina et Laura Torrisi produisent de petits lots de vin à partir de cépages indigènes récoltés à la main dans l’appellation Etna, sur la côte est de la Sicile. Ils espèrent transmettre leur passion pour la viticulture à leurs filles Alice et Greta. Voici leurs réponses au questionnaire d’Opimian.

 

Giovanni Messina

 

Comment avez-vous fait vos débuts dans le monde du vin ? D’où vient votre passion ? Quel est votre lien avec la terre ?

 

Dès l’âge de cinq ans, j’accompagnais mon père à notre propriété du Monte Gorna. Il semblait absurde de penser qu’un enfant puisse être fasciné par ce monde. Je me souviens de mon bonheur initial, lorsque les travaux de récupération des fermes étaient encore en cours et que les moutons venaient paître sur les terres. Je me promenais sur le terrain avec mes chiens et j’aimais jouer là où les moutons paissaient; j’ai même assisté à la naissance d’un petit agneau. J’ai un lien très fort et indissoluble avec cet endroit. En grandissant, j’ai ressenti de plus en plus le besoin de récupérer des parties de la propriété où se trouvait un petit vignoble ancien, et, après mes études universitaires, je me suis consacré corps et âme à un projet de récupération totale que je continue aujourd’hui avec mes nouvelles cultures. Comme je le dis toujours à tout le monde, le printemps a germé dans mon cœur, et ce printemps a créé chez moi une intense passion que je vais essayer de transmettre de tout mon cœur à mes deux filles, Alice et Greta.

 

Giovanni Messina

 

Quelle est votre expérience la plus mémorable en matière de vin ou de dégustation de vin ?

 

Je crois que chaque dégustation a un caractère personnel. J’aime voyager avec mes vins, car que je sois en Italie ou à l’étranger, ils reflètent toujours leur lieu d’origine, l’Etna. Ma plus grande satisfaction vient des dégustations à l’aveugle, où mes vins semblent toujours trouver leur place aux côtés d’autres vins de qualité.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de vigneron ?

 

Pour moi, être producteur de vin est un peu comme être le père d’une terre : il faut reconnaître la nécessité de bien soigner ses vignes, de les gérer de la meilleure façon possible pour obtenir les meilleurs résultats, et, s’il le faut, de diminuer le rendement pour ne pas les surcharger. Le fait de prendre soin de nos terres et de les aimer comme si elles étaient vivantes est l’incarnation de notre philosophie. Nous entretenons cette passion et cet amour tout au long de l’année, et cela se voit dans le produit final.

 

Giovanni Messina

 

Quelle est la particularité de la viticulture en Sicile, sur les pentes du volcan Etna ?

 

Produire du vin sur l’Etna est une expérience unique. Cela nous donne l’occasion de profiter d’une terre qui nourrit ses fruits à merveille : nos raisins sont riches en sels minéraux présents dans le sol de cette magnifique zone volcanique que nous avons travaillé si fort à cultiver. Ce n’est pas pour rien qu’on qualifie notre viticulture d’héroïque : nous cherchons depuis les temps anciens à tirer le maximum de ce territoire de lave escarpé en construisant des murs de pierres sèches là où il le faut et en aménageant des terrasses pour utiliser ce que la nature offre (et la manière qu’elle l’offre) comme tremplin. Notre exposition à la mer nous permet de profiter des vents maritimes, même à une altitude de 800 mètres, ce qui donne à tous nos vins une saveur particulièrement unique.

 

Sicily, Italy

 

Combien de personnes travaillent chez Vini Eudes ?

 

Mon plus grand soutien vient de ma femme, qui est la spécialiste des dégustations, et d’Alfio, mon fidèle ouvrier général. Pour ma part, je fais un peu de tout, de la gestion du vignoble à l’administration. Selon la période de l’année, je fais appel à d’autres travailleurs. Angelo Di Grazia, mon œnologue, est un point de référence pour mon entreprise : je l’appelle affectueusement mon « psychologue », ainsi que le psychologue de mes vignes. C’est un grand professionnel, et sa contribution nous permet d’améliorer continuellement nos vins.

 

Giovanni Messina

 

Employez-vous des techniques de vinification propres à votre région ?

 

Comme moi et Angelo le disons, il n’y a pas de techniques de vinification particulières, mais nous mettons tout en œuvre pour nous assurer que le vignoble nous procure tous les avantages possibles. Le plus gros du travail doit être effectué dans le vignoble, et le reste vient par lui-même. Les choses ne sont peut-être pas réellement aussi simples, mais nous avons confiance.

 

Pouvez-vous nous parler de l’un de vos cépages préférés que vous utilisez ?

 

Les personnes qui me connaissent bien savent que j’aime le carricante, un cépage blanc typique de l’Etna. Je le surnomme le « prince » des blancs de l’Etna. Je suis convaincu qu’il s’agit d’un cépage spécial, car s’il est vinifié avec respect et qu’on le laisse s’exprimer au fil du temps, il a un potentiel de vieillissement incroyable.

 

carricante, un cépage blanc typique de l’Etna

 

Je suis pleinement convaincu que l’Etna commence à faire parler de lui et qu’on lui accordera de plus en plus d’attention au fil du temps.

 

Quel est l’un des aspects les plus difficiles de la vinification, année après année ?

 

Chaque récolte est un casse-tête, surtout sur l’Etna : on ne sait jamais ce qui nous attend. Il est possible qu’il se mette soudainement à pleuvoir en pleine chaleur torride, ce qui met en péril le travail de toute une année. Pire encore, une tempête de grêle peut ruiner tous les efforts que vous avez accompli jusqu’à ce point.

 

À mon avis, chaque millésime est certainement différent des autres et présente des caractéristiques uniques.

 

Lors des récoltes tardives, entre le 10 et le 15 octobre, il y a un réel risque d’averses soudaines qui peuvent tout gâcher. La sécheresse devient un problème croissant, mais heureusement, sur l’Etna, nous sommes encore capables de la surmonter.

 

récolte

 

Parlez-nous de votre Eudes Milleottocentoquaranta DOC Etna Rosso : d’où vient son nom, quelles étaient les perspectives quant à sa création et quelle est la meilleure façon de le déguster ?

 

Je suis tombé sous le charme de ce vignoble en 2017 après l’avoir repris d’un homme âgé. Tout le travail est effectué à la main, car la mécanisation est impossible, et c’est mieux ainsi. Les plantations sont principalement du nerello mascalese, avec un peu de nerello cappuccio. Je ne saurai certainement pas le dire avec des mots, mais je ressens un grand amour pour ce vignoble. En fait je me considère comme un gardien de ce territoire, et à ce titre, je ferai tout ce qu’il faut pour le préserver. Je me considère comme quelqu’un de très simple, et je voulais le laisser s’exprimer. Le nom « Milleottocentoquaranta » fait référence à l’année où les vignes ont été plantées : il s’agit d’un vignoble ancien non greffé qui impose discrètement le respect.

 

C’est précisément parce que je ne voulais pas d’éléments extérieurs que j’ai décidé, en collaboration avec Angelo, de l’affiner pendant 18 mois en fût d’acier inoxydable pour laisser le potentiel du terroir et des vieilles vignes s’exprimer pleinement.

 

Quant à la dégustation, je peux dire que lorsqu’on boit un tel vin, on ressent un énorme privilège face au fait qu’il est le fruit de vignes centenaires. Il a une grande profondeur.

 

 

En un mot ou une phrase, comment résumeriez votre philosophie en matière de vinification ?

 

Notre philosophie est ancrée dans le soin de notre terroir, le respect et la patience qu’il faut pour attendre l’évolution naturelle des vins. Nous avons laissé nos empreintes sur cette terre et nous nous la sommes appropriée et, si celle-ci est traitée avec amour et soin, elle nous récompensera en conséquence. Il y a une phrase que j’aime bien citer : « Chacun laisse son empreinte à l’endroit qui lui semble lui appartenir le plus. »

 

Giovanni et Laura, Alice, et Greta