Vous avez repéré un vieux millésime sur la table de votre hôte ou sur la carte des vins, et vous êtes maintenant intrigué. S’agit-il d’un délice sensoriel d’arômes et de textures qui se sont complexifiés avec l’âge ou d’un décevant liquide oxydé, fatigué et vinaigré? La révision de quelques notions sur le vieillissement du vin augmentera considérablement vos chances d’en récolter les fruits.
D’abord, la plupart des vins ne sont pas destinés à être vieillis. Alors, quels sont ceux qui le sont? En général, un vin, quelle que soit sa robe, doit posséder les éléments structurels clés permettant de présager sa longévité : parfois sa douceur, mais toujours son acidité, sa teneur en extrait sec ou en tanins, son taux d’alcool et l’intensité et la persistance de son fruit, le tout dans les bonnes proportions et dans l’équilibre. Les antécédents sont d’une grande utilité. Le Nouveau Monde propose aujourd’hui de nombreux candidats. Mais les classiques européens, qui ont des siècles d’avance, conservent le monopole de la prévisibilité des résultats lorsqu’ils sont conservés en cave – les meilleurs vins de Bordeaux, de la Bourgogne, du Rhône, de la Champagne, de la Moselle et du Rheingau ainsi que les portos Vintage, pour n’en citer que quelques-uns.
Quelles sont les conditions idéales de conservation?
En bref, une température stable entre 8 °C et 14 °C, aucune vibration, peu ou pas de lumière et de mouvements d’air, et une humidité relative élevée pour garder le bouchon humide. Le fait de garder les bouteilles sur le côté remplit également cet objectif.
Comment le vin évolue-t-il durant sa maturation?
On distingue généralement deux trajectoires : beaucoup vieilliront, c’est-à-dire qu’ils perdront lentement une partie de leur structure et de leur fruit initiaux, se transformant en une version plus ancienne d’eux-mêmes, mais toujours différente et plus nuancée. Mais certains vont réellement se développer – l’équilibre initial évoluant en harmonie avec la nature du fruit qui se transforme complètement.
Tous les rouges deviendront plus clairs et plus bruns et perdront un peu de tanin, d’où les dépôts dans la bouteille, et tous les blancs deviendront au contraire plus foncés et pourront précipiter un peu d’acide tartrique sous forme de cristaux de vin. Mais ce sont les meilleurs rouges de Bourgogne qui passeront d’éléments de structure identifiables, avec des cerises et des betteraves jeunes, à un amalgame sans faille de sous-bois et de truffes en bouche. Axiomatiquement, les vins issus des climats dits marginaux sont plus susceptibles d’emprunter la voie du « développement ». Il est utile de connaître les points forts des millésimes d’une région donnée, mais
l’utilisation des périodes de consommation dans les notes de dégustation est toujours un raccourci très utile.
Comment servir correctement les vins matures et éviter de gâcher des années de patience en ratant la toute dernière étape?
Les blancs n’ont généralement pas besoin d’être décantés, mais si vous remarquez des dépôts, faites comme avec un rouge : assurez-vous que les dépôts sont bien au fond, et décantez le vin, en prenant des précautions. N’essayez pas de presser les toutes dernières gouttes du sédiment. Les rouges plus légers, notamment de la Bourgogne, ne rejettent pas toujours de gros dépôts. Cependant, il peut être utile de décanter tout vin de plus de 10 ans, en laissant un peu dans la bouteille pour permettre au vin de montrer le meilleur de lui-même.
Devez-vous faire vieillir les vins qui ont de l’âge?
C’est en partie une décision culturelle – par exemple, historiquement, les Français ont apprécié même les crus classés jeunes. Mais surtout, c’est une question de préférence personnelle. En outre, de nombreux vins dignes d’être conservés en cave aujourd’hui, qu’ils proviennent de Chablis, de Saint-Émilion ou même de Porto, n’ont pas besoin d’être vieillis et sont beaucoup plus accessibles et appréciables jeunes qu’il y a quelques décennies, grâce aux changements climatiques et aux progrès réalisés dans le vignoble et la cave. Cependant, si vous n’avez jamais fait l’expérience de ces vins à pleine maturité, vous passez à côté de quelque chose de spécial.
Pour vous aider à profiter du voyage ainsi qu’à suivre la progression d’un vin, je suggère toujours de vous procurer au moins trois bouteilles. Une bouteille est à consommer immédiatement et, les autres, vers la fin de leur période de consommation.
Le vieillissement du vin peut sembler ardu, mais il n’a pas à l’être. Le processus n’est peut-être pas fait pour tout le monde, mais il y a beaucoup de plaisir et de bénéfices sensoriels à en retirer si vous démontrez un intérêt et que vous êtes prêt à appliquer certaines notions pour améliorer considérablement vos chances de réussite.
Établi à Toronto, IGOR RYJENKOV MW a été le premier Canadien à obtenir le prestigieux titre de Master of Wine en 2003. Son expertise en matière de vin se fonde sur 25 années d’expérience. C’est l’un des Masters of Wine d’Opimian.