Par Igor Ryjenkov MW
Barolo et Barbaresco, situés dans la région des Langhe, au Piémont, sont des joyaux cachés, à l’abri des regards. Rien ne vous prépare vraiment à ce qui vous attend sur la route depuis Turin, ni sur la bretelle de sortie, ni même lorsque vous arrivez dans la ville de Bra, la porte d’entrée des Langhe. Ce n’est qu’une fois sur place que vous saurez que vous êtes arrivé en voyant les magnifiques collines couvertes de vignes de Barolo et les célèbres collines ondulantes de Barbaresco. Les deux zones sont plutôt petites, soit un peu moins de 2 000 hectares pour le Barolo et environ 700 hectares pour le Barbaresco, et il est possible de voir la quasi-totalité de la zone de production de Barolo depuis le point d’observation dans le village de La Morra. Ces zones ne représentent qu’une infime fraction de la production totale de vin du Piémont, mais elles se démarquent fortement grâce à leur stature.
Si le vin est très important dans cette région, le raisin n’est pas la seule culture des Langhe, où l’on cultive aussi beaucoup des céréales, du maïs et des noisettes. La région a un caractère rural et très terre-à-terre. Les habitants de la région vivent à proximité de l’endroit où ils cultivent leurs aliments et produisent leur vin. C’est ici que Ferrero Rocher et Nutella ont vu le jour, de même que le mouvement Slow Food. Les autres spécialités régionales comprennent une autre vedette mondiale, la truffe, notamment la truffe blanche.
Les vins offerts ici sont variés et nombreux avec un ensemble de cépages locaux intéressants et uniques, blancs (arneis, cortese) comme rouges (dolcetto, barbera, brachetto). Cependant, la principale raison pour laquelle la région est vénérée est le nebbiolo, le seul cépage du Barolo et du Barbaresco, et qui brille de tout son éclat ici. Ce raisin, qui bourgeonne très tôt et mûrit très tard, doit son nom soit au brouillard automnal qui recouvre les vignobles à la période des vendanges, soit à la floraison des baies, tous deux appelés « nebbia ».
Peu épais et peu pigmenté, il est paradoxalement plutôt tanique et très aromatique avec des arômes emblématiques de fleurs, de cerises et de goudron et une saine acidité. Il existe plusieurs clones, biologiques et phénotypes, chacun ayant ses particularités, mais, essentiellement, le nebbiolo partage 9 allèles avec le viognier blanc aromatique du Rhône Nord, aussi étrange soit-il. Il n’a pas beaucoup voyagé; on en trouve un peu ailleurs dans le Piémont, à Aoste et en Lombardie, ainsi qu’un peu dans le Nouveau Monde, mais c’est à Barolo et à Barbaresco, avec leurs terroirs uniques, qu’il atteint les sommets que les amateurs de vin viennent à rechercher. Jetons un coup d’œil au barolo, car nous en offrons plusieurs dans ce numéro, à la fois des millésimes récents et des millésimes plus âgés.
Barolo
Les cinq principales communes du Barolo offrent deux styles distincts grâce à des compositions de sol, des élévations et des aspects différents qui comprennent les vins plus parfumés et moins taniques du Barolo et de La Morra et les expressions plus profondes et adhérentes aux fruits noirs de Castiglione Falletto, de Monforte d’Alba et de Serralunga d’Alba. Les expressions individuelles ne s’arrêtent pas là. La capacité du raisin à exprimer les nuances d’un site particulier a mené à l’établissement d’une liste de vignobles individuels au sein de chaque commune compilée au fil des générations, et de plus en plus de ces vignobles apparaissent sur les étiquettes. Le fait qu’un barolo nécessite un long vieillissement de 38 mois, dont 18 en fût, ce qui signifie qu’un barolo « normal » n’arrivera sur le marché que quatre ans après le millésime. Le Riserva exige jusqu’à 62 mois de vieillissement, sans temps supplémentaire passé en fût de bois, et est mis sur le marché la sixième année après la récolte.
Le barolo à l’ancienne était un vin très tanique qui nécessitait une longue garde. L’amélioration des pratiques dans les vignobles et les caves a permis de dompter ces tanins chez le barolo d’aujourd’hui, à tel point que nombre d’entre eux sont accessibles et agréables dès leur lancement, bien qu’il s’agisse toujours d’un vin rouge très structuré. Son profil aromatique et sa structure tanique s’accordent parfaitement avec vos sources de protéines préférées, qu’il s’agisse d’un steak tartare, comme la délicieuse version locale préparée à base de bœuf piémontais, ou d’un steak, d’agneau ou de canard mi-saignant légèrement bien grillé. La plupart des embouteillages peuvent évoluer pendant plus de 10 ans, les meilleurs exemples étant capables de durer des dizaines d’années. Avec l’âge, les notes florales se transforment en éléments de fleurs fanées ou séchées, le goudron devient de la fumée froide, du cuir, du thé et des notes médicinales, et les tanins s’adoucissent. Les vins ne produisent pas généralement un sédiment épais, mais même dans ce cas, il peut être préférable de laisser reposer la bouteille à la verticale pendant une nuit et de la décanter soigneusement, en laissant un peu de sédiment.
Même si, comme toujours, il est bon de connaître ses producteurs, les millésimes de 2010 et des années suivantes se situent dans la fourchette de très bon à excellent, et il n’y a pas vraiment de mauvaises surprises à éviter depuis le milieu des années 2000. Tout cela pour dire qu’avec les millésimes actuellement sur le marché, vous pouvez acheter en toute confiance ce bijou de vin de cette région magnifique.
Établi à Toronto, Igor Ryjenkov, MW, a été le premier Canadien à obtenir le prestigieux titre de Master of Wine en 2003. Son expertise en matière de vin se fonde sur 24 années d’expérience au sein du domaine en Ontario, d’abord à la vente au détail, puis à des postes clés en matière d’approvisionnement, et sur ses projets, notamment le développement de la nouvelle matrice à cinq points des styles de vin. Igor est l’un des Masters of Wine d’Opimian.