Par Michael Palij, MW
Il y a près de soixante ans, deux amis, l’œnologue Franco Ziliani et le producteur de vin Guido Berlucchi, ont eu l’idée de produire un mousseux italien capable de rivaliser avec les meilleurs mousseux du monde. Le résultat est ce qui est aujourd’hui la région de vins mousseux la plus prestigieuse et la plus progressiste d’Italie : la DOCG Franciacorta. La viticulture dans cette région située au nord-est de Milan remonte au 8e siècle, mais la réputation de Franciacorta pour ses vins pétillants est relativement récente. Berlucchi était déterminé à produire un vin mousseux italien « à la française » en utilisant la méthode traditionnelle et des raisins chardonnay. Il a fallu du temps pour tout mettre cela en place, mais, chose remarquable, six ans seulement après son premier millésime, en 1961, Franciacorta a reçu le statut de DOC, suivi par celui de DOCG en 1985.
Bien que le Prosecco est souvent considéré comme le vin mousseux le plus célèbre d’Italie, le franciacorta a beaucoup plus de points communs avec son voisin français, le champagne, qu’avec son cousin italien, le prosecco. Plutôt que d’utiliser la méthode en cuve (comme pour le prosecco), la seconde fermentation en bouteille permet au franciacorta d’acquérir des notes riches de pâte à tarte, de brioche, de pain grillé et d’amande que l’on retrouve dans les meilleurs champagnes. Le franciacorta et le champagne s’inspirent tous deux du chardonnay et du pinot noir, tandis que le prosecco se contente de la glera pour produire son profil léger et fruité.
Mais c’est le terroir de la Franciacorta qui lui confère sa spécificité. La DOCG est nichée en Lombardie, où le climat est tempéré par la brise rafraîchissante des Alpes et l’effet modérateur du lac voisin. La zone de culture en forme d’amphithéâtre formée par le retrait des glaciers est principalement constituée de sols alluviaux; cette composition unique permet au franciacorta de maintenir un niveau d’alcool équilibré, tout en évitant l’acidité exceptionnellement élevée qui caractérise le champagne. Le climat chaud permet également au vin d’être mis en bouteille avec un dosage plus faible, et le taux de sucre résiduel moyen n’est que de 6 g par litre.
La grande qualité du vin et la forte demande intérieure ont créé une activité touristique parallèle en plein essor et la région regorge de spas, d’hôtels 5 étoiles et de restaurants étoilés par le guide Michelin. La Franciacorta s’est également employée à polir son auréole de responsabilité sociale des entreprises et, aujourd’hui, plus de 70 % de ses vignobles sont certifiés biologiques, soit le pourcentage le plus élevé en Italie. Alors que l’industrie du vin et notre planète se préparent à faire face à des changements climatiques de plus en plus intenses, la Franciacorta s’engage à maintenir une relation harmonieuse entre le vigneron, la vigne et le sol.
Alors que le prosecco produit plus de 500 millions de bouteilles par an et que la production de champagne dépasse les 300 millions, les vins de la Franciacorta sont beaucoup plus rares, car la région ne produit que 17 millions de bouteilles à partir d’une petite province faisant environ la taille de Brooklyn. Seulement 11 % de cette production est exportée, ce qui fait de ce vin l’un des secrets les mieux gardés d’Italie.
Faible en sucre, respectueux de l’environnement et élaboré à partir des mêmes cépages classiques et des mêmes techniques de fermentation que le champagne, le franciacorta offre un mélange unique de tradition et d’innovation, ce qui en fait un élément essentiel de la cave de tout amateur de vin.
Michael Palij MW est le troisième Master of Wine canadien. Il se spécialise dans les vins italiens et a fait connaître à Opimian des producteurs vraiment spéciaux.