L’Afrique du sud en pleine ascension

Par Jacky Blisson MW

Si vous voulez vous lier d’amitié avec un viticulteur sud-africain, ne qualifiez pas ses vins de « Nouveau Monde ». Les premiers vignobles du pays ont été plantés en 1655, ce qui peut sembler anodin par rapport aux origines étrusques ou romaines de nombreux vignobles européens. Toutefois, si l’on considère la rapidité avec laquelle les vins sud-africains ont acquis une renommée internationale, la légitimité des producteurs de vins fins de longue date n’est plus à démontrer.

 

De la gloire (viticole) à la morosité…

Dans les années 1700, le célèbre Vin de Constance, un vin de dessert de la cave Klein Constantia, était vénéré dans toute l’Europe. Napoléon l’a bu en exil sur l’île de Sainte-Hélène et des auteurs célèbres, de
Baudelaire à Dickens en passant par Austin, l’ont cité dans leurs livres.

 

Malgré ces débuts prometteurs, la route vers une renommée plus large en matière de vinification fine a été semée d’embûches. De nombreux insectes ravageurs et prédateurs s’attaquaient aux vignes, poussant les viticulteurs à vendanger trop tôt, produisant des vins acides et dilués. À la fin du 19e siècle, le phylloxéra, un puceron suceur de sève, a décimé plus de 25 % des vignobles sud-africains.

 

Grape phylloxera diseases. Grape phylloxera (Phylloxera vastatrix) is a pest of commercial grapevines worldwide.

 

L’industrie en a souffert et les viticulteurs ont dû récupérer les profits perdus. Une vaste coopérative vinicole s’est développée, la KWV (Kooperative Wijnbouwers Vereniging van Zuid Afrika), fixant les prix du raisin et incitant les producteurs à privilégier la quantité plutôt que la qualité.

 

Puis le régime de l’apartheid a coupé les vins sud-africains des marchés internationaux. Lorsque le pays s’est rouvert aux marchés étrangers dans les années 1990, nombre de ses vignobles étaient infestés de virus. Les premiers vins sud-africains distribués à l’étranger étaient alors bon marché, en pichet et en boîte.

 

Comment l’Afrique du Sud a retrouvé son rythme de croisière

Trente ans plus tard, l’amélioration de la qualité des vins sud-africains est stupéfiante. Les plus grands experts et critiques du vin ne tarissent pas d’éloges et les régions viticoles sud-africaines, telles que Stellenbosch, le Swartland, la vallée de Hemel-en-Aarde ou Elgin, deviennent des noms familiers parmi les terroirs viticoles du monde entier.

 

 

Les viticulteurs soucieux de la qualité n’ont eu de cesse d’éradiquer les virus, de replanter des porte-greffes et des vignes de meilleure qualité et d’adopter des méthodes de culture plus durables et régénératrices. Ils voyagent beaucoup, perfectionnant leur art dans le monde entier pour mettre en pratique leurs connaissances dans leur pays.

 

Avec une telle détermination et une telle ambition, il n’est pas surprenant que les vignobles soient florissants. Après tout, le Cap-Occidental, qui abrite la majorité des vignobles sud-africains, est en quelque sorte le paradis de la viticulture.

 

Les vignobles prospèrent dans ce climat méditerranéen chaud et ensoleillé. La proximité de l’océan Atlantique exerce une influence modératrice vitale, préservant l’acidité rafraîchissante des vins et permettant aux cépages de climat frais comme le pinot noir et le chardonnay de bien pousser dans les zones de vignobles côtières les plus fraîches.

 

 

 

La chaleur de la région est également tempérée par le légendaire vent du Cap Doctor, un coup de vent frais et sec qui souffle du sud-est sur de vastes étendues de vignobles pendant les mois d’été, permettant de rafraîchir les vignobles, et de maintenir la pression des maladies à un faible niveau.

 

Raisins de qualité et terroirs de vins fins

Le chenin blanc, qui représente près d’un cinquième de la superficie totale du pays, est la star incontestée des vignobles sud-africains – on en trouve plus ici que dans la vallée de la Loire. Les viticulteurs sud-africains qualifient ce raisin de « caméléon » en raison de la diversité des vins qu’il produit, selon l’emplacement du vignoble.

 

 

La diversité des vignobles sud-africains permet d’obtenir une riche tapisserie de styles. Les sols anciens sont principalement composés de schiste, de granit et de grès. La topographie, des montagnes escarpées
aux vallées, en passant par les pentes douces, et le large éventail de mésoclimats locaux ont entraîné une division précise des vignobles en régions, en districts et en « wards » plus petits.

Aujourd’hui, la production de vins fins en Afrique du Sud se concentre sur ces expressions régionales, voire spécifiques à un vignoble. Si le chenin blanc est largement répandu dans la région du Cap,
de nombreux autres cépages sont désormais fermement associés à un lieu, comme la syrah du Swartland, les pinots de Hemel-en-Aarde, le chardonnay d’Elgin, et ainsi de suite.

L’Afrique du Sud est également le berceau de son propre raisin, le pinotage – un croisement entre le pinot noir et le cinsault développé localement – dont les arômes de fumée, de gibier, de fruits noirs et la personnalité sombre le rendent uniques.

 

La qualité a grimpé en flèche, mais le rapport qualité-prix exceptionnel de ces vins reste le même. Des vins mousseux Cap Classique, méthode traditionnelle, aux vins rouges audacieux, il y a des vins fantastiques

 

 

 

Jacky Blisson MW est une éducatrice en vin indépendante, une écrivaine et une consultante qui possède plus de deux décennies d’expérience dans toutes les facettes du commerce mondial du vin. Elle est la première Master of Wine au Québec et l’une des dix premières au Canada.