Une aventure écossaise sur l’Isle de Skye

Par Isabelle Lindsay, fille de membres de Montréal

 

En août 2017, mon beau-père Steeve et moi sommes allés en Écosse pour la randonnée et l’aventure. Nous nous sommes dirigés lentement vers l’Isle de Skye, où nous avions une tâche à accomplir : prendre des photos à Pràban na Linne pour Opimian.

 

Du whisky…

Afin de nous rendre au moins quelque peu présentables après dix jours dans la nature sauvage, nous avons payé une bonne vingtaine de livres pour passer la nuit dans un camping équipé de vraies douches. Nous avons chacun sorti une tenue plus ou moins décente et sommes partis à la recherche de Pràban na Linne. Après plusieurs zigzags, nous l’avons trouvée, pittoresque, au bord d’une crique : le siège de Pràban na Linne, situé à côté l’hôtel Eilean Iarmaine.

 

Dès notre arrivée, nous avons été agréablement accueillis par le personnel, et nous nous sommes livrés à notre séance photo. À la fin de la journée, nous avons été invités à rencontrer la propriétaire de la distillerie. C’est ainsi qu’une aventure commence.

 

La propriétaire de Pràban na Linne est lady Lucilla Noble, la veuve de sir Ian Noble, fondateur, et un entrepreneur important en Écosse. Lady Noble ne déçoit pas, c’est le moins qu’on puisse dire. Parée d’une veste en tweed rouge et verte, lady Noble nous a accueillis chaleureusement dans son bureau et offert une dégustation de whiskys Pràban âgés de 8, 12 et 21 ans. Avides buveurs, nous avons accepté volontiers. Heureuse de constater que nous apprécions un bon verre, elle nous a remis chacun une coupe en or massif dans laquelle elle nous a versé notre whisky. Les tasses sont un rite de passage à l’âge adulte dans la famille de son mari et sont faites pour être blotties dans la paume de votre main lorsque vous sirotez votre whisky, le réchauffant ainsi lentement. Nous avons commencé par le whisky de 8 ans et terminé par celui de 21 ans. Ils étaient tous plus exquis les uns que les autres.

 

Lady Lucilla Noble avec son mari, Sir Ian Noble

 

…Au vin

Après trois verres de whisky et plusieurs anecdotes amusantes de lady Noble, elle nous a invités à souper. Malheureusement, nous a-t-elle dit, nous ne pouvions pas manger à l’hôtel Eilean Iarmain, car il y avait une réception de mariage ce soir-là. Elle nous a proposé de nous emmener au restaurant de son amie, à quelques kilomètres en voiture. En chemin, nous lui avons raconté nos voyages rustiques. Appréciant notre mode de vie, elle nous a informés qu’il vaut mieux ne jamais quitter la maison sans un «petit whisky», car on ne sait jamais quand un petit remontant sera nécessaire dans la nature sauvage.

 

Après une balade mouvementée le long de petits chemins sinueux avec la dame au volant de sa Volvo, nous sommes arrivés au restaurant de son amie, un très grand pavillon victorien, et nous avons pris un apéritif accompagné de biscuits à l’encre de pieuvre et du prosecco dans l’antichambre. Nous avons ensuite été conduits dans la grande salle à manger. Notre présence semblait surprenante, puisque nous n’étions ni assez vieux ni assez stricts pour la clientèle de la haute société et que nous étions très mal habillés. Néanmoins, grâce à notre hôtesse, nous avons été gracieusement assis.

 

Le souper était un repas de neuf services accompagné de nombreuses bouteilles de vin. Chaque nouveau vin était accompagné de nouveaux verres, qui s’accumulaient. Les serveurs les enlevaient périodiquement pour faire de la place à d’autres. Je voyais mon beau-père de l’autre côté de la table me surveiller. Il craignait que je ne puisse pas tolérer tout cet alcool alors que le souper se prolongeait jusqu’au petit matin. Lady Noble, une excellente convive, a su captiver notre attention toute la soirée. Elle nous a posé beaucoup de questions, mais a partagé, de temps en temps, certains faits sur son propre passé. Elle a mentionné qu’elle est originaire de Ross et Cromarty et que son nom de jeune fille était Mackenzie. Elle a passé sa jeunesse à profiter de la vie en Europe, a étudié l’histoire de l’art et a vécu en Italie pendant de nombreuses années, s’attirant quelques ennuis en faisant des courses en voitures très chères (ce qui explique le précédent trajet en Volvo).

 

Nous en sommes finalement arrivés au dernier service. Mon beau-père m’a lancé un regard quand j’ai pris un échantillon de chacun des dix fromages offerts, mais lady Noble a fait l’éloge de mon appétit. Ensuite, pendant une pause dans la conversation animée, nous avons regardé autour de nous et avons réalisé que nous retardions la fermeture du restaurant. Alors, nous sommes partis.

 

Isabelle Lindsay

 

Une petite drame

Mon beau-père et moi sommes retournés à notre tente nous glisser dans nos sacs de couchage. Vers trois heures du matin, je me suis réveillée desséchée par l’alcool et me suis dirigée vers la voiture pour aller chercher de l’eau. Après une petite gorgée, j’ai refermé le coffre. Horrifiée, j’ai réalisé que je venais de verrouiller les clés dans le coffre ! Mon beau-père n’était pas content, mais il fallait dormir, car nous devions retourner à Pràban na Linne pour prendre les dernières photos de l’intérieur.

 

Le matin, le drame s’est continué. Il n’y avait pas de service cellulaire, alors nous avons approché une femme qui descendait la route avec son chien. Mon beau-père s’est rendu chez elle pour appeler une dépanneuse, qui est arrivée dans l’heure. J’ai vu le visage de Steeve tomber en voyant sur qui nous devions compter. Un adolescent est sorti avec un certain nombre de coins en plastique et gonflables et a tenté d’ouvrir la porte avant; hélas, elle avait été désactivée. Plusieurs personnes du coin qui se promenaient se sont arrêtées pour proposer des idées.

 

Une nouvelle stratégie a été entreprise. Le jeune a commencé le laborieux processus d’entrouvrir de la porte arrière du côté passager et a fini par l’ouvrir juste assez pour y guider son fil. Il est parvenu tant bien que mal à abaisser le siège arrière et à accéder au coffre, où les clés reposaient paisiblement sur un sac. L’agitation a atteint son paroxysme lorsqu’il s’est dirigé lentement vers l’arrière et a accroché les clés de façon experte sur son fil. Il les a tirées vers l’avant jusqu’à la fenêtre et, d’un dernier coup sec, les a passées dans l’espace entrouvert de la porte. Notre journée était sauvée !

 

Nous nous sommes rendus à Pràban na Linne avec plusieurs heures de retard. Nous étions prêts à nous excuser, mais lorsque nous sommes entrés, nous avons été accueillis par des sourires sournois. Il s’avère que l’un des passants était le jardinier de l’auberge. Il avait parlé à tout le monde des deux ridicules Canadiens qui ont stupidement enfermé leurs clés dans la voiture. Nous avons reçu des applaudissements et des claques dans le dos.

 

Nous avons manqué lady Noble ce matin-là, mais, en guise de consolation pour nos problèmes de voiture, elle nous avait laissé une série de mignonnettes de whisky ainsi qu’une note nous disant de profiter d’un petit «dram» (verre) ce soir-là en regardant le soleil se coucher sur notre site de camping. Et c’est ce que nous avons fait.