Jane Masters MW est la Master of Wine d’Opimian
La maladie à coronavirus 2019 a bouleversé des vies et des moyens de subsistance. Différents pays se trouvent à des degrés divers de confinement. Les magasins qui vendent des articles de première nécessité sont ouverts grâce à des mesures de distanciation sociale, mais les achats en ligne ne peuvent pas suivre la demande. Dans la plupart des cas, les restaurants et les bars, qui représentent généralement une grande partie des ventes de vin, sont fermés.
La nature ne peut être mise en veilleuse. Au début du confinement, l’hémisphère Sud était en phase de vendange, les raisins étant cueillis en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Chili, en Argentine et en Afrique du Sud. Bien que des mesures de distanciation sociale aient été imposées, les conséquences sur la production de raisins et de vin ont été limitées dans l’ensemble. Dans l’hémisphère Nord, le cycle de croissance se poursuit avec la germination des vignes et les préoccupations habituelles concernant les gelées de printemps. La main-d’œuvre est réduite, car les travailleurs restent à la maison pour s’occuper des enfants ou pour s’isoler. Le confinement a fortement limité les transports et les expéditions de vin à partir de régions comme le nord de l’Italie.
Les gens achètent de plus en plus de vin pour leur consommation à domicile et les ventes de vin en ligne ont augmenté. Pour les entreprises en ligne, la difficulté a été d’accueillir un nombre croissant de visiteurs sur leurs sites Web sans que ceux-ci tombent en panne. Cependant, cette augmentation de la consommation à domicile ne compense en rien les ventes perdues en raison de la fermeture des restaurants et des bars. L’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a estimé que les conséquences sur les ventes des vins européens pourraient entraîner une réduction de 50% des recettes cette année. Le prix moyen payé par les consommateurs pour une bouteille de vin a diminué, probablement parce que les gens se préoccupent de leurs finances et sont plus prudents dans leurs dépenses. Les entreprises viticoles et les vignobles seront touchés par des réductions du chiffre d’affaires, des marges et des bénéfices.
Ce sont les personnes qui dépendent fortement du commerce de la restauration ou de la vente à la porte des caves qui en souffriront le plus. J’ai entendu parler d’un vignoble français qui n’a pas vendu une seule bouteille depuis plus d’un mois. Les vignobles qui distribuent leurs vins par des canaux alternatifs sont dans une meilleure position, à moins bien sûr que le gouvernement n’interdise toute vente d’alcool, comme c’est le cas en Afrique du Sud. Non seulement les caves sud-africaines sont confrontées à des problèmes de récolte et de distanciation sociale, mais aucune vente de vin n’est autorisée, que ce soit dans le pays ou à l’étranger. L’absence de ventes signifie l’absence de recettes et de flux monétaire, ce qui rend difficile le paiement des frais généraux et du personnel et peut entraîner des licenciements. Ceci dans un pays où le taux de chômage et la pauvreté sont déjà élevés et où il n’y a pas de filet de sécurité sociale.
Le confinement a malgré tout un effet positif sur l’environnement, avec des niveaux de pollution plus faibles, ce qui permet d’obtenir un air et une eau de meilleure qualité dans de nombreux endroits. Pour la première fois depuis 30 ans, l’Himalaya peut être vu à 160 kilomètres de distance; à Venise, l’eau est claire comme du cristal et on peut y voir des poissons nager, et à Londres, on entend le chant des oiseaux et le ciel est bleu clair. C’est la preuve des effets négatifs que l’humanité inflige quotidiennement à l’environnement, ainsi qu’à la santé et au bien-être de l’homme. Des rapports récents montrent une corrélation entre la pollution de l’air et les régions avec le plus de décès dus au coronavirus.
Il y a encore une grande incertitude quant au moment où le confinement sera levé dans différents domaines et dans quelles conditions. Les tendances récentes des habitudes d’achat s’enracineront-elles ou retourneront-elles à la «normale»? Lorsque les restaurants et les bars rouvriront, il est probable qu’il y ait des normes de distanciation sociale, ce qui entraînera une diminution de la clientèle. Combien d’endroits peuvent faire des bénéfices avec la moitié du nombre de clients? Certains consommateurs resteront prudents lorsqu’ils sortiront une fois le confinement terminé, tandis que d’autres prévoient de vivre pleinement leur vie une fois qu’ils y seront autorisés. En cas de récession mondiale, les clients qui sortent sont susceptibles d’être plus prudents avec leur argent. Tout cela conduira à une réduction des échanges.
Le vin a rassemblé les communautés pendant des millénaires. Il fournit de précieux emplois et contribue à la culture et à l’économie des régions où il est produit. Rien qu’en France, on compte 85 000 vignerons. Pour beaucoup d’entre nous, le vin est un élément important de notre quotidien qui améliore notre qualité de vie. Pour moi, le fait d’avoir une cave de vins à boire a certainement facilité le confinement! Les interactions en ligne, les dégustations virtuelles et les événements autour du vin se sont multipliés pendant le confinement, je sais donc que cela a été le cas pour beaucoup d’autres personnes.
Mon souhait est que, pour les millénaires à venir, des vins savoureux et de grande qualité continuent d’être produits et appréciés dans le monde entier et que ces vins soient produits de manière durable. À court terme, les temps seront durs et certains producteurs et entreprises de vin pourraient disparaître. Mais les producteurs de vin ont tendance à être assez résilients et sont habitués à faire face à ce que Dame Nature leur impose. En tant que buveurs de vin, nous pouvons les aider à faire face à la situation actuelle, à appliquer les leçons apprises en matière d’environnement et à résoudre les problèmes existentiels à plus long terme dus au changement climatique en consommant régulièrement leurs vins.
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