Qu’entend-on par «vin nature»?

Jane Masters MW est la Master of Wine d’Opimian

 

Ces dernières années, vous avez peut-être remarqué une utilisation croissante de l’expression « vin nature ». Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Malheureusement, il n’existe pas de définition convenue et peut être interprété différemment selon le vigneron.

 

Il s’agit plutôt d’une philosophie d’intervention minimale dans la culture du raisin et le processus de vinification. Il y a également un chevauchement entre les vins nature et les vins de macération pelliculaire (ou vins orange). Les vins orange sont élaborés à partir de raisins blancs fermentés avec peaux de la même manière que les vins rouges. En d’autres termes, il s’agit d’une technique de vinification, et si de nombreux vins de macération pelliculaire prétendent être naturels, ils ne le sont pas nécessairement. D’ailleurs, le nom fait référence à la couleur du vin qui en résulte – il n’y a pas le moindre soupçon d’orange ou d’autre agrume en vue !

 

Je soutiens activement le travail en accord avec la nature, mais je m’insurge contre certains mythes concernant les « vins nature ». Lors de mon dernier séjour en Australie, un groupe de viticulteurs de la péninsule Mornington insistait pour dire que leurs vins « se faisaient tout seuls ». C’est absurde. Quelqu’un doit tailler et entretenir la vigne, sinon elle devient sauvage et rampante et produit beaucoup de végétation, mais très peu de raisins. Quelqu’un doit décider quand et comment cueillir les raisins et aussi quelles cuves de fermentation utiliser, combien de temps la macération sur peaux doit se faire, quand mettre en bouteille et bien d’autres décisions relatives à la vinification. L’être humain joue un rôle dans la production de tous les vins, quoique dans une mesure plus ou moins grande.

 

Pour tout vin, les qualités les plus importantes selon moi sont sa saveur, sa structure et son équilibre. Il existe de bons vins nature, mais ce n’est pas parce qu’un vin est « naturel » qu’il a bon goût. 

 

Il faut de l’habileté pour produire de bons vins nature de manière constante et les meilleurs vignerons sont ceux qui comprennent les principes fondamentaux de la vinification. Cependant, je crains qu’il y en ait d’autres pour qui le concept de vin nature est plus important que la qualité du vin, et qui l’utilisent comme excuse pour adopter une approche de laissez-faire ou qui suivent une tendance de marketing de consommation plutôt que d’être de vrais adeptes de cette philosophie.

 

Il existe une perception selon laquelle les vins nature seraient meilleurs pour nous. Mais est-ce vraiment le cas ? Les vins ne contiennent pas de grandes quantités de « mauvaises substances » – la plus importante étant l’alcool, (et si vous en prenez trop, il y a bien sûr des conséquences). Le vin contient des centaines de composés aromatiques, produits par les levures pendant la fermentation. Les levures commerciales sont sélectionnées pour assurer une fermentation en douceur et des saveurs prononcées. Les vins nature sont fermentés par des levures sauvages sur lesquelles le vigneron n’a pas de contrôle, et qui peuvent produire des niveaux plus élevés d’amines biogènes telles que la tyrosine et l’histamine (bien que les niveaux soient encore inférieurs à ceux de certains fromages, et viandes séchées).  Il est vrai que les vins biologiques et nature ont des taux plus faibles de sulfites ajoutés. La faible teneur en sulfites signifie que les vins sont moins protégés contre l’oxydation et moins stables, de sorte que des micro-organismes provoquant l’autolyse peuvent se développer dans la bouteille. Les vins nature n’étant ni filtrés ni affinés, ils sont donc souvent troubles et mis en bouteille avec des niveaux plus élevés de microbes et de protéines.

 

Il est important de minimiser nos effets sur l’environnement. Les vignerons de vins nature utilisent souvent des raisins cultivés biologiquement ou biodynamiquement et encouragent la biodiversité. Mais la viticulture biologique dans les régions à forte humidité peut être plus nocive pour l’environnement que la viticulture conventionnelle en raison de la quantité de traitements biologiques au cuivre nécessaire qui peut entraîner une toxicité du sol. Un plus grand nombre de traitements par pulvérisation augmente la quantité de diesel utilisée par les tracteurs, et donc des émissions de carbone, et peut entraîner un compactage des sols. Donc, une fois de plus, la réponse n’est pas simple.

 

J’aime l’idée denière le vin nature, mais lorsque j’évalue n’importe quel vin, je suis la même approche rigoureuse de sélection. Ceci dit, je suis heureuse de dire qu’il existe de délicieux vins nature. Dans ce Cellier vous découvrirez les vins d’Alvaro Espinoza à Antiyal, l’un des meilleurs vignerons en biodynamie; Jean-Charles Villard produit des vins nature oranges à partir de sémillon et de pinot gris, et nous offrons un cabernet sauvignon naturel produit par Roberto Echeverria.