Du raisin au verre partie 1
Jane Masters MW est la Master of Wine d’Opimian
Qu’est-ce qui influence les saveurs et les styles? Qu’est-ce qui donne son goût à un vin et comment trouver d’autres vins à son goût?
Le vin est essentiellement du jus de raisin fermenté. La levure utilise les sucres naturels du raisin comme source d’énergie pour vivre. Pendant la fermentation alcoolique, la levure transforme le sucre en alcool et produit par le fait même des composés aromatiques et du dioxyde de carbone. Ce processus semble si simple; qu’est-ce qui explique alors la grande variété de saveurs et de styles de vin? Autrement dit, qu’est-ce qui donne son goût à un vin et comment trouver d’autres vins à son goût? Ce sont des questions que je vais explorer au fil de plusieurs articles, en commençant par l’élément de base : le raisin.
La plupart des vins de qualité sont produits à partir de raisins de l’espèce Vitis Vinifera, dont il existe des milliers de variétés. Celles-ci comprennent notamment des variétés cultivées pour la consommation et la vinification (ces dernières ont tendance à être plus petites et plus rondes et à avoir une peau épaisse et une forte teneur en sucre naturel). Au fur et à mesure que les raisins mûrissent à la fin de l’été, ils accumulent naturellement du sucre, leur niveau d’acidité diminue et leurs saveurs se développent. Les climats chauds et secs produisent généralement des raisins au taux de sucre plus élevé et à l’acidité plus faible que ceux cultivés dans les régions fraîches. Ces paramètres sont surveillés par les viticulteurs pour décider du moment de la récolte.
Si tout le sucre fermente, le vin qui en résulte sera sec. Environ 18 grammes de sucre par litre (g/l) produisent 1 % d’éthanol. Donc, plus la teneur initiale en sucre est élevée, plus la production d’alcool sera importante. La plupart des vins secs ont un taux d’alcool entre 12 et 14 %. La fermentation peut être arrêtée intentionnellement, ou elle peut s’arrêter naturellement et laisser ainsi du sucre résiduel. Un vin sera plus ou moins sucré selon la quantité de sucre qu’il contient. Cette quantité peut varier de quelques grammes à plusieurs centaines de g/l dans le cas des vins de dessert et des vins fortifiés.
L’alcool est sucré en soi, ce qui explique pourquoi certains vins secs peuvent avoir un goût sucré. Faites le test : goûtez à une solution d’éthanol à 12 % avec de l’eau et vous constaterez qu’elle est résolument sucrée. Même avec un taux d’alcool encore plus élevé, la douceur sera masquée par une sensation de brûlure. L’alcool ajoute également du poids, c’est-à-dire une sensation de richesse ou de viscosité : la texture n’est pas la même que celle de l’eau potable. L’eau semble être légère, tandis que l’alcool contribue à la structure ou à la forme d’un vin. L’équilibre entre le sucre, l’alcool et l’acidité joue un rôle important dans la perception des vins. Un vin à forte teneur en alcool et à faible acidité devient flasque et manque de vivacité. L’acidité du vin est principalement due à l’acide tartrique, malique, lactique et citrique, dont la proportion varie. Chacun de ces acides a une force et une saveur différentes. Les vins ayant la même acidité totale peuvent être perçus différemment selon leur proportion des différents acides. Les climats frais produisent généralement des vins plus acides, tandis que dans les régions chaudes, le vigneron peut ajouter de l’acide tartrique.
La texture et le poids peuvent également provenir des composés phénoliques du raisin, qui se trouvent surtout dans la peau et les pépins. Pour la plupart des vins blancs et de nombreux vins rosés, les raisins sont écrasés peu après la cueillette et les peaux sont jetées, alors la saveur provient uniquement de la pulpe et du jus. En ce qui concerne les vins rouges (et la tendance actuelle pour les vins orange produits à partir de raisins blancs), la fermentation est effectuée en présence des peaux de raisins. Les tanins et autres composés phénoliques ajoutent de la structure et de la texture au vin, lui donnant ainsi la capacité de mûrir. Mais les tanins peuvent également avoir un effet asséchant ou astringent sur la langue, car ils réagissent avec la salive dans la bouche (pensez au thé et aux peaux de noix). Une certaine adhérence ajoute de la longueur et de la présence, mais si elle trop intense, le vin devient agressif. Les cépages tels que le pinot noir sont relativement pauvres en tanins, tandis que le cabernet sauvignon et la syrah ont des niveaux plus élevés.
Le vin est généralement plus aromatique et plus savoureux que les raisins frais utilisés pour le produire. Les vins contiennent des milliers de composants aromatiques produits par les levures à partir des molécules non aromatiques du raisin. Certains d’entre eux peuvent influencer fortement la saveur du vin même s’ils ne sont présents qu’en quantités infimes. Certains peuvent être communs à tous les vins, tandis que d’autres sont distinctement caractéristiques d’un cépage particulier. Par exemple, le sauvignon blanc présente des arômes de fruits de la passion, de groseille à maquereau ou d’urine de chat et le cabernet sauvignon est associé au cassis. Le méthode de culture du raisin, le climat et le degré de maturité influencent la saveur et l’intensité du vin. Si l’on prend l’exemple du sauvignon blanc, s’il est cueilli plus tôt, il présente des arômes plus verts, herbacés et piquants en raison des méthoxypyrazines. S’il est laissé sur la vigne un peu plus longtemps, les thiols produisent plus d’arômes de pamplemousse et de fruit de la passion. La décision du moment de la cueillette des raisins influence de manière évidente non seulement le taux d’alcool et l’acidité du vin, mais aussi son potentiel aromatique. La façon dont ce potentiel se traduit dans la saveur du vin produit dépend de la façon dont les raisins sont ensuite traités, mais c’est là un sujet pour un futur article.