Le règne du rosé

par Michael Palij MW

 

Si la montée en popularité du prosecco peut surprendre, plus personne n’est plus surpris que les producteurs eux-mêmes.

 

Il y a 20 ans à peine, un parfum de désespoir planait sur leurs vignobles. Les coûts de production étaient élevés (principalement pour la main-d’œuvre), mais les prix demeuraient obstinément bas, et la grande majorité de ce vin était destinée à accompagner la purée de pêches bon marché servie dans les pièges à touristes de Venise. Les choses ont bien changé.

 

Aujourd’hui, c’est près d’un demi-milliard de bouteilles qui sont vendues à l’échelle mondiale. C’est un chiffre vraiment stupéfiant et, tandis que les ventes ont explosé, il est juste de dire que les normes, elles, ont souffert. Pour répondre à la demande massive, des modifications législatives ont été apportées en 2009 pour faire passer une grande partie des vignobles de la catégorie IGT à la catégorie DOC et rebaptiser le raisin « glera » pour éliminer la production d’imitations. Pile dans la tendance, le prosecco rosé a officiellement obtenu le statut de DOC en 2020.

 

À son meilleur, le prosecco rosé est un délice. Les arômes de pomme et de poire du glera se marient bien avec les fraises et la rhubarbe du pinot. La plupart des versions sont plus sèches (leur taux de sucre résiduel maximum est de 17 g/l) et délicieuses par une chaude journée d’été. La réglementation reste cependant aussi souple qu’un costume italien. Le vin final doit compter de 10 à 15 % de pinot noir cultivé dans les mêmes régions de production. Il doit être du millésime 2019 ou plus jeune. Les composants rouges et blancs peuvent être mélangés en cave et il doit être élevé sur ses lies pendant 60 jours avant d’être commercialisé. Rien de bien grave jusqu’à présent, mais deux préoccupations demeurent.

 

 La première est l’ampleur même de la DOC. Le prosecco peut être produit à partir de raisins cultivés n’importe où en Vénétie (à l’exception de Vérone) et dans le Frioul, ce qui représente une superficie totale de près de 200 000 hectares de vignobles. Il est inimaginable que le sol et le climat puissent être à peu près identiques dans une région aussi vaste.
La deuxième préoccupation concerne les rendements : la législation actuelle autorise 135 hl par hectare. À titre de comparaison, les grands crus de Bourgogne n’autorisent que 35 hl par hectare. Il est inévitable que la qualité souffre lorsque la vigne est autorisée à récolter à des niveaux aussi excessifs.

 

Les amateurs de vins mousseux de qualité peuvent toutefois compter sur de l’aide. La DOC initiale de 1969 limitait la production à 15 communes des cantons de Valdobbiadene et Conegliano. Au 19e siècle, les pentes abruptes et les sols marneux formés par le fleuve Piave étaient déjà célèbres. À ce jour, le prosecco de cette minuscule sous-zone a droit à une variante d’étiquetage subtile, mais d’une importance cruciale : Prosecco Superiore Conegliano Valdobbiadene DOCG. Bien que le prosecco rosé ne permette pas encore une version DOCG, il vaut la peine de rechercher les producteurs dont le prosecco blanc mérite cette appellation supérieure.