Jane Masters MW est la Master of Wine d’Opimian
Une fois venu le temps des vendanges, l’influence et le talent d’un vigneron déterminent la saveur et le style des vins produits. Les vignerons choisissent le type de cuve où effectuer la fermentation, les levures à utiliser, les températures de fermentation, et bien d’autres aspects.
Les cuves en acier inoxydable et en béton sont inertes en matière de saveur, tandis qu’une fermentation dans du chêne peut apporter au vin des caractères de vanille, de noix de coco ou grillés, selon la taille et l’âge du récipient. Plus le récipient est petit, plus le ratio de contact entre la surface et le vin sera grand. Une grande cuve de chêne ancien ajoute beaucoup moins de saveur qu’une fermentation dans un petit fût de chêne neuf de 225 litres. Depuis quelques années, les amphores d’argile ont connu une certaine popularité; bien que celles-ci soit inertes en matière de saveur, leur argile poreuse permet, comme le fait le bois, une certaine micro-oxygénation, qui elle influence la saveur.
Le vin est habituellement fermenté à l’aide de levure Saccharomyces cerevisiae, la même utilisée dans la production du pain et de la bière. Il existe différentes souches de Saccharomyces cerevisiae, et certaines ont été choisies pour leurs propriétés aromatiques et leur capacité à fermenter dans des conditions de teneur en sucre élevée, d’acidité et de pH. Les vignerons peuvent utiliser des souches de levure sélectionnées, qui garantissent une fermentation régulière et contrôlée, ou laisser la levure sauvage présente dans la cave se développer. Certains grands vins sont produits à l’aide de ferments sauvages; cependant, les résultats sont moins prévisibles.
Au fur et à mesure que la fermentation a lieu, une grande quantité de chaleur de dioxyde carbone est créée. Si la température est trop élevée, les levures meurent, et si elle est trop basse, la fermentation peut ralentir et cesser. La température influence le métabolisme des levures, ce qui produit les arômes. Les vignerons maintiennent donc la température à un niveau précis selon le type de vin désiré. Les vins blancs légers fruités peuvent fermenter à une température de 14 °C. Pour les blancs plus riches et complets, elle peut être plus élevée et atteindre environ 20 °C. Les vins rouges subissent généralement une fermentation à température plus élevée, les rouges fruités légers étant exposés à une température de 20 à 25 °C pour maximiser les arômes de la fermentation. Les rouges corsés et structurés, qui sont élaborés pour être gardés et qui mûrissent souvent en barrique, peuvent être fermentés à des températures de 30 °C ou plus. Dans la production du mousseux, le dioxyde de carbone produit par la fermentation peut être récupéré pour créer l’effervescence du vin, mais le vin en conserve déjà une certaine partie, ce qui contribue à créer une impression d’acidité et de fraîcheur. À la fin de la fermentation, les levures tombent au fond du récipient de fermentation et forment les lies. Bien qu’elles ne soient plus viables, celles-ci peuvent ajouter de la texture en bouche et de la saveur à un vin en libérant des mannoprotéines. Certains vignerons gardent les vins sur lies pendant un certain temps et peuvent aussi remuer les lies (une technique appelée « bâtonnage ») pour disperser les sédiments et ainsi augmenter le contact et maximiser l’effet.
La plupart des vins rouges et certains vins blancs subissent une fermentation malolactique, où l’acide malique présent dans les raisins (que l’on retrouve également dans les pommes vertes sures) est converti en acide lactique (que l’on retrouve dans le lait) par des bactéries d’acide lactique. Ce processus microbiologique réduit l’acidité du vin et le rend plus doux et plus microbiologiquement stable. De leur côté, d’autres métabolites produits contribuent à la saveur du vin; le diacétyle, par exemple, a un arôme de beurre crémeux. La décision d’effectuer ou non cette fermentation peut fortement influencer le style du vin. La fermentation malolactique est généralement évitée pour les chablis, qui sont connus pour leur style minéral acéré. Dans un chardonnay riche et onctueux, la fermentation malolactique contribue à la richesse et à la saveur de caramel écossais du vin final, bien souvent de pair avec la fermentation en fût.
Que les vignerons décident d’utiliser des souches de levure sélectionnées et des bactéries d’acide lactique ou de permettre aux ferments sauvages de se développer, la microbiologie est au cœur d’une vinification de qualité. Pour maximiser pleinement le potentiel des raisins récoltés, les vignerons doivent également empêcher le développement de micro-organismes qui détériorent le vin ou lui donnent des saveurs indésirables. Une utilisation judicieuse de sulfites lors de la vinification, de l’élevage et de la mise en bouteille empêche la dégradation des organismes, protège contre l’oxydation et préserve la fraîcheur des arômes pour permettre au vin d’être bu dans des conditions optimales.