Le problème du prix et de la valeur   

  

Par Michael Palij, MW

 

La question de savoir s’il vaut la peine de payer plus cher une bouteille de vin est une question aussi difficile que fiscale. Au niveau fédéral, les droits sont perçus par litre de liquide (ou par litre d’alcool pur, de sorte qu’il faut supposer que tous les vins ont le même niveau alcoométrique volumique) et non comme pourcentage du prix de vente; si vous passez au niveau supérieur, vous pourriez avoir un meilleur vin pour votre argent. Il existe très certainement différents niveaux de qualité pour le vin, mais le rapport avec le prix n’est pas linéaire.  D’une part, 96 % du vin est consommé dans les 24 heures suivant l’achat. La presque totalité passera les lèvres sans que le radar du plaisir ne s’aperçoive de quoi que ce soit. À l’autre extrême, les meilleurs vins du monde sont achetés pour des dizaines de milliers de dollars la bouteille, souvent par des consommateurs qui ne pourraient pas reconnaître une telle qualité si on leur servait le même vin à l’aveugle. Il doit bien y avoir un juste milieu fertile où les vins dépassent les attentes, non?

 

 

 

 

Quel est donc le point idéal? Il y a deux façons d’aborder cette question. La taxe est souvent un montant fixe et, par conséquent, le pourcentage du prix de la bouteille qui revient aux autorités fiscales est disproportionnellement plus élevé dans le cas d’un vin moins cher. Doubler le prix de détail permet d’avoir 10 fois plus d’argent à dépenser sur le liquide. Cela suppose toutefois que tous les autres coûts demeurent constants. Les emballages haut de gamme coûtent beaucoup plus cher (un bouchon AAA de 48 mm coûte aujourd’hui 3 dollars canadiens, et ce, juste pour le bouchon) et les marges des producteurs varient grandement.

 

 

 

 

Il est pratiquement impossible de dépenser plus de 42 dollars canadiens en coûts variables dans la production d’une bouteille de vin (bouchons de fantaisie, faibles rendements, 100 % de chêne neuf, main-d’œuvre, amortissement, etc.), mais en excluant le coût du capital. Autrement dit, en excluant la valeur des terres. Les grands crus de Bourgogne coûtent actuellement 14,4 millions de dollars canadiens par hectare et les rendements sont de 40 hl/ha. Pour simplifier les chiffres, cela représente 144 dollars canadiens par bouteille pour un rendement de 5 %. Et ce, avant même d’avoir produit du vin (ou réalisé des bénéfices).

 

 

 

 

Alors, vers qui le consommateur avisé peut-il se tourner? Il est judicieux de dépenser au moins le double de la moyenne nationale et de choisir un exemple authentique d’une région moins connue. Comme me l’a dit un jour un grand ami norvégien (où les prix sont habituellement élevés), « achetez bon marché, achetez deux fois ». Le Portugal, l’Allemagne et l’Italie proposent tous des vins de qualité à un prix très raisonnable. Les meilleurs rieslings, par exemple, durent aussi longtemps que leurs équivalents bordelais rouges, mais sont rarement aussi inabordables.

 

 

 

 

Personne ne peut nier le plaisir qu’il y a à tirer le bouchon d’une grande bouteille, en particulier d’une bouteille que l’on a soigneusement nourrie de sa jeunesse à sa maturité. De nombreux vins modestes gagnent en complexité au fil des mois lorsque mis en cave correctement. Criez à l’injustice si vous le souhaitez, mais l’évolution des modèles sociaux dans le monde post-pandémique peut s’avérer utile. Pour certains, rester à la maison est la nouvelle façon de sortir, et une bouteille de qualité supérieure dégustée à la maison coûtera probablement beaucoup moins cher qu’une tournée de Martinis. Avis à tous ceux qui aiment depuis le confort de leur fauteuil : doublez la mise. Les jeux sont faits, et nous avons un gagnant.

 

 

 

 

 

MICHAEL PALIJ MW est le troisième Master of Wine canadien. Il est spécialisé dans les vins italiens et a fait découvrir à Opimian des producteurs vraiment spéciaux tels que Cabutto, Giovanna Tantini et Cantina Clavesana.