Le Rhône, valeur sûre

Passons directement à ce qui compte le plus, à savoir le style des vins du Rhône.

 

Se peut-il que nous fassions des généralités au sujet de la deuxième région viticole française, qui compte plus de 66 000 hectares où l’on cultive 34 cépages différents? Puisque 75 % de son vin rouge et 94 % du volume total sont produits dans ses régions méridionales, il n’est pas déraisonnable de chercher des points communs, surtout s’ils restent pertinents, même aux fractions restantes.

 

 

Le style des vins du Rhône est à mi-chemin entre le Nouveau et l’Ancien Monde. Ses vins présentent un fruit généreux, une acidité souple et des tanins doux sans être nerveux et plaisent ainsi aux palais façonnés par les vins australiens et californiens. Ils offrent en contrepartie le cachet de la provenance, la discipline et le résultat discret qui conviennent aux goûts européens.

 

En cas de doute, les vins du Rhône constituent donc un excellent choix et sont susceptibles de plaire à la plupart de vos invités. Ce style est façonné par plusieurs éléments de la région, le climat et les cépages jouant un rôle essentiel.

 

 

La partie nord de la vallée du Rhône est en grande partie une étroite gorge fluviale allant de Lyon à Valence. Le climat est continental, mais modéré à chaud dans l’ensemble, surtout pendant la saison de croissance. L’exposition demeure tout de même importante pour assurer une maturation optimale. Le sud, qui est une zone plus ouverte et vallonnée de la vallée entre Montélimar, Avignon et Nîmes, devient progressivement méditerranéen à mesure que l’on s’approche de la mer. Les difficultés comme le mistral et les précipitations à des étapes cruciales de croissance entraînent des variations du millésime, mais le climat général permet d’atténuer les extrêmes.

 

Les raisins sont un autre élément essentiel. Seule la syrah est utilisée dans les vins rouges du nord du Rhône, parfois en assemblage avec du viognier, de la roussanne et de la marsanne, qui sont les seuls cépages blancs utilisés ici. Le viognier est utilisé seul, tandis que les deux autres sont utilisés seuls ou en assemblage.

 

 

Si la description du style régional demeure pertinente, la nature des raisins laisse une empreinte claire. Les meilleurs vins de syrah présentent des notes d’olive noire, de poivre noir et de bacon dans un profil structuré, tandis que les meilleurs condrieus présentent des saveurs de pêche et de yogourt à l’abricot et une bouche onctueuse.

 

Dans le sud, qui définit le style du Rhône, la palette est nettement plus large avec plus de trois dizaines de cépages. En réalité, le grenache est presque une constante dans la plupart des vins du sud, le noir dans les vins rouges, souvent accompagné de syrah, de mourvèdre et de carignan, et le blanc dans les vins blancs, avec toute une gamme d’autres cépages intéressants comme la clairette, le bourboulenc ou le picpoul. Certaines appellations exigent une proportion particulière de raisins, comme les Côtes-du-Rhône, tandis que d’autres, comme le Châteauneuf, se contentent d’énumérer les cépages autorisés et peuvent être élaborées sous forme d’assemblage ou de vin monocépage.

 

 

En ce qui concerne les appellations, celle de Côtes-du-Rhône est la plus vaste et représente près de la moitié de la production de la vallée. Au niveau supérieur, on trouve l’appellation Côtes-du-Rhône villages, une zone étroitement définie avec des exigences plus strictes qui couvre 95 communes. Le nom de 22 villages peut être apposé à l’appellation Côtes-du-Rhône villages; sur les étagères, on retrouve souvent Plan de Dieu, Visan ou Sablet. Au sommet de la pyramide, on retrouve les crus. Les 16 crus comprennent toutes les AOC/P du nord, comme Hermitage et Condrieu, de même que Gigondas, Vaqueyras et le célèbre Châteauneuf-du-pape, dans le Rhône du sud.

 

Châteauneuf a été au centre de deux moments cruciaux de l’histoire de la région. Si les Romains ont planté les premières vignes dans la région vers l’an 600 avant notre ère, la chute de l’empire y a entraîné le déclin du commerce du vin. Sa résurgence à compter du 13e siècle est due à l’installation de la papauté à Avignon; le vin le plus célèbre de la région doit donc son nom au nouveau domicile des papes. Plus récemment, le système français moderne des AOC est né ici lorsqu’en 1936, le baron le Roy Boiseaumarie, un viticulteur de la région de Châteauneuf, a pris l’initiative de créer la toute première AOC, pour les vins des « côtes du Rhône ».

 

 

Une autre raison pour laquelle cette appellation est bien connue est la présence de pierres particulières dans ses vignobles. Compte tenu de la taille de la vallée, les sols varient considérablement d’un endroit à l’autre, allant du granit dans une grande partie du nord à l’argile, au sable et au gravier dans le sud. Cependant, les spécificités du sol des crus jouent un rôle important. On dit souvent que les pierres de Châteauneuf diffusent la nuit la chaleur accumulée pendant le jour, mais elles jouent aussi d’autres rôles. Leur couleur pâle aide à refléter la lumière du soleil sur les raisins et elles agissent également comme bouclier pour le sol en surface en ralentissant l’augmentation de la température et la perte d’eau.

 

L’aspect intéressant des meilleurs vins du Rhône, comme le Châteauneuf, est que, bien qu’il s’agisse de grands vins, ils excellent dans une chose plutôt que d’offrir plus de tout : la finesse, que l’on retrouve dans la qualité des tanins et dans le pedigree général du vin.

 

 

C’est en partie ce qui façonne le style « entre-deux » des vins de la vallée du Rhône. À cela s’ajoute le fait que 13 % des vignes de la région sont cultivées en agriculture biologique, et que ce nombre continue de croître. Les raisons pour lesquelles nous avons choisi le titre de cet article devraient désormais être évidentes.

 

By Igor Ryjenkov, MW

 

 

Établi à Toronto, Igor Ryjenkov, MW, a été le premier Canadien à obtenir le prestigieux titre de Master of Wine en 2003. Son expertise en matière de vin se fonde sur 24 années d’expérience au sein du domaine en Ontario, d’abord à la vente au détail, puis à des postes clés en matière d’approvisionnement, et sur ses projets, notamment le développement de la nouvelle matrice à cinq points des styles de vin. Igor est l’un des Masters of Wine d’Opimian.