Par Jacky Blisson MW
Les vins de Bourgogne sont parmi les plus respectés de la planète. Les collectionneurs font des offres vertigineuses pour les plus grands domaines de la région. Les amateurs conservent précieusement leurs premiers et grands crus, et réfléchissent à l’occasion idéale de les servir.
Le chardonnay vif et le pinot noir élégant de la Bourgogne sont considérés comme une référence depuis des siècles, et les viticulteurs du monde entier tentent d’imiter ce style. Et pourtant, l’essence de la Bourgogne est impossible à cerner.
Cela est dû en partie à la mosaïque de terroirs viticoles de la région, créant une mosaïque de plus de 1 200 climats (parcelles de vignes). Les différences subtiles entre les sols, la topographie et l’orientation de la Bourgogne donnent des saveurs distinctes à des raisins provenant de vignobles distants de plusieurs mètres.
Cependant, l’influence stylistique la plus importante sur les vins de Bourgogne est peut-être le climat et les conditions climatiques annuelles. Les régions de Chablis et de la Côte d’Or, qui constituent les parties nord et centrale de la Bourgogne, sont généralement considérées comme ayant un climat frais.
Les régions plus fraîches ont souvent du mal à faire mûrir les fruits, ce qui prolonge la saison de croissance et permet une longue et lente période de maturation. Cela donne des vins à l’acidité vibrante, au taux d’alcool modéré et aux saveurs fruitées acidulées. Les conditions fraîches de la Bourgogne ont également tendance à produire des raisins plus petits avec des peaux plus épaisses. Pour les rouges, fermentés sur leurs peaux, cela donne des vins plus concentrés et plus savoureux.
Ces dernières années, le réchauffement climatique a entraîné une augmentation de la fréquence des millésimes chauds, donnant naissance à des vins plus fruités et plus généreux qui étaient autrefois rares dans la région. Les changements climatiques sont également responsables de schémas météorologiques extrêmes et erratiques, tels que les vagues de chaleur, les longues périodes de sécheresse, les brusques coups de froid, les fortes pluies et la grêle violente.
Les gelées de printemps sont une préoccupation croissante dans les zones les plus froides de la Bourgogne. Le temps anormalement chaud au début du printemps a devancé les dates de débourrement. Lorsqu’une chute brutale des températures survient ensuite au cours de la nuit, les nouveaux bourgeons y sont vulnérables et peuvent être endommagés, ce qui a une incidence sur la qualité et le rendement de la saison.
Ces conditions climatiques très variées produisent des vins à la personnalité très différente d’une saison de croissance à l’autre. Ainsi, si vous êtes intéressé par les vins de Bourgogne, il est toujours bon de vous renseigner sur le millésime avant de remplir votre cellier.
2017
Les producteurs des zones fortement exposées au gel, comme les Hautes-Côtes de Nuits en altitude, ont déployé des mesures préventives à temps pour éviter des pertes importantes au printemps 2017. Sinon, l’été a été principalement ensoleillé et sec, ce qui a conduit à une récolte précoce. Le millésime 2017 est considéré comme classique, bien que plus léger; défini par un fruit éclatant, une acidité vive et des tanins souples. Le millésime se boit déjà bien et présente un bon potentiel de vieillissement à moyen terme.
2018
Un hiver et un printemps humides ont donné aux vignes les réserves d’eau dont elles avaient tant besoin pour contrer la chaleur intense et aride de l’été. Bien que des orages de grêle localisés aient endommagé les vignes dans certaines appellations de la Côte de Nuits, notamment Nuits-Saint-Georges et Côte de Nuits-Villages, la récolte globale de la Bourgogne a été abondante. Souvent comparés au célèbre millésime caniculaire de 2003, les vins de 2018 sont mûrs, luxuriants et amplement proportionnés avec juste assez d’acidité rafraîchissante pour assurer un équilibre. Ils ont un bon potentiel de vieillissement à moyen terme.
2019
Le millésime 2019 a été marqué par les contrastes. Des températures extrêmes, autant froides que chaudes, ont sévi en hiver et au printemps, entraînant des dommages mineurs dus au gel et une mauvaise floraison de la vigne. Les températures ont ensuite grimpé en flèche en juin et en juillet, avec des conditions ensoleillées, mais plus douces, marquant la fin de la saison. Le millésime 2019 est modeste, mais bien apprécié, et a mené à des vins puissamment structurés, très concentrés et savoureux, destinés à une garde à long terme.
2020
Pour les amateurs de la Bourgogne traditionnelle, 2020 est le millésime à retenir. La saison de croissance a été chaude, mais pas excessivement chaude, avec des pluies bien programmées en août pour compenser le temps autrement sec. La qualité a été jugée tout aussi exceptionnelle pour les vins rouges et blancs dans toute la région. Les critiques louent la fraîcheur, l’élégance, la profondeur et l’attrait de la texture du millésime. Le millésime 2020 est tout indiqué pour ceux désirant investir dans les meilleurs vins de garde, mais aussi pour ceux recherchant des appellations de valeur comme la Bourgogne, ou Rully dans la Côte Chalonnaise.
2021
Après une année aussi faste, 2021 s’est avéré un millésime difficile pour les viticulteurs de Bourgogne. Quatre jours de gelées printanières dévastatrices ont provoqué des dégâts considérables, notamment sur les raisins de chardonnay qui débourraient plus tôt. Des pluies incessantes ont martelé la région pendant une grande partie du mois de juillet, pour finalement s’atténuer au début d’août. La récolte a été exceptionnellement modeste, mais sa qualité est étonnamment bonne. Les vins délicats, parfumés et éthérés de 2021 devraient se boire très bien à court et moyen terme.
Jacky Blisson MW est une éducatrice en vin, une écrivaine et une consultante qui possède plus de vingt ans d’expérience dans toutes les facettes du commerce mondial du vin. Première Québécoise à recevoir le titre Master of Wine, elle fait partie des 10 Masters of Wine du Canada. Jacky est l’une des Masters of Wine d’Opimian.